Jeongju

Je n’avais pas prévu d’aller à Jeonju au départ. Jules m’avait conseillé cette ville : située à l’ouest de la Corée, elle était moins touristique et possédait un village traditionnel plus authentique. Il me la conseilla pour une deuxième raison : le makgeolli, alcool à base de riz cuit à la vapeur fermenté mélangé à de l’eau avec une couleur laiteuse. La ville était l’un des points de production historique de cet alcool très populaire. Elle était aussi le point d’origine du bibimbap.

Jeonju était la capitale de la dynastie Joseon et possède une histoire relativement riche. Son principal attrait était le village d’hanoks mais il y avait également de nombreux musées et sites historiques. J’y suis arrivé de Busan, par bus. Le chauffeur avait le pied assez lourd : en moins de 3 heures, il avait bouclé 250 bornes… En comparaison, j’avais mis plus de 7 h pour un peu plus de 300 km en bus en Chine. La gare routière était au nord de la ville et mon auberge à l’est du centre, au bord de la rivière jeonjucheon. J’y suis arrivé en fin d’après midi. Ce n’était pas vraiment une auberge mais plutôt un ancien immeuble de logements d’étudiants convertis en dortoir avec de longs couloirs bordés de chambres et une salle de douches commune. Quand je dis “commune”, c’était commune : des pommes de douches alignés, non séparées, il ne fallait pas être pudique. Il y avait également une petite cuisine commune. Un étage était réservé aux hommes et un autre aux femmes et aucune salle commune, même au rez de chaussée. Pour faire des contacts, ce n’était pas gagné.

La salle des douches…

 

Le 1er soir, il y avait un Coréen d’une cinquantaine d’années (Robert, on va dire). Il vivait en Nouvelles Zélandes depuis 25 ans et il n’y était plus revenu depuis 17 ans. Pour lui, le pays avait beaucoup changé durant ce laps de temps. Il était très demandeur de rencontres et il était un peu déçu de “l’auberge” pour ça. Du coup, quand je lui ai proposé d’aller dans un restaurant le soir, il était plus que partant. Jules m’avait indiqué une rue spéciale dans Jeonju où il y avait des restaurants d’un type particulier dans le quartier Samcheon. Il m’avait aussi conseillé d’y aller au minimum à 4 mais l’auberge étant ce qu’elle était, on était que deux. Après avoir un peu tâtonné pour trouver le bon arrêt de bus et le bon bus, on avait ensuite un peu galéré pour trouver la rue. Le nom que m’avait donné Jules ne correspondait à rien. Petit détail : les chauffeurs de bus étaient des bourrins, surtout au freinage ! Debout, il fallait être bien agrippé sinon on volait.

On a finit par trouver et nous sommes allés dans un de ces fameux restaurants. Le principe était très simple : on commandait un “pot” de makgeolli d’un litre et on nous servait une trentaine de petits plats avec. A chaque fois que l’on recommandait un nouveau pot d’alcool, la trentaine de plats suivait. D’où le conseil de Jules d’y aller à quatre minimum : ça faisait beaucoup à manger. Il y avait tellement de plats qu’ils en avaient superposés certains. En vrac, il y avait : des oeuf durs, des petits crabes, du kimchi (évidemment), des larves de vers à soie, des pinces de crabes, un petit poulet en bouillon (qui se détachait facilement), des algues, du poisson (dont de la raie), des crevettes, du tofus, du maïs, des patates douces, des coquillages (palourdes, moules, bigorneaux et je ne sais plus), de la citrouille cuite, un gros piment vert, des noix de coquilles St Jacques, des tranches de porc cuites, une soupe de soja, un genre de pâté végétal (pas vraiment compris ce que c’était) et je ne sais plus. Dans l’ensemble, ce n’était pas mauvais – même les larves de vers à soie, un peu spéciales et croquantes – et le magkeolli était agréable. Un goût particulier légèrement acide et moins fort en alcool que le soju. Cependant, je ne pense pas que cette boisson pourrait plaire à beaucoup d’occidentaux, contrairement au soju. Après le lait de jument fermenté chaud en Mongolie, j’avais une marge dans les goûts… inhabituels dirons nous. On avait réussi à tout finir à 2 mais on n’a pas pu faire un 2ème service. Le prix n’était pas excessif : 38 000 W soit 19 000 W chacun (<15 €). En repartant, on s’était acheté quelques bouteilles de soju qu’on s’est bu en rentrant à l’auberge. On avait un peu tourné avant : Robert voulait absolument des cacahuètes et ce fut étonnamment difficile à trouver ! On avait du faire 4 ou 5 magasins à 23 h pour en avoir. Il est reparti relativement tôt le lendemain matin. Le 2ème soir, j’étais tout seul.

Le menu magkeolli

 

Le village traditionnel

L’un des attraits principaux de Jeonju était son village traditionnel composé d’environ 800 hanoks. Ils étaient pendant très longtemps habités mais les maisons sont maintenant délaissées de leur utilisation première au profit du tourisme : la très grande majorité était converties en magasins, restaurants et hôtel.  Pour le côté authentique, c’était râpé. Les informations de Jules dataient un peu (ou on n’avait pas la même définition du terme “touristique”), il m’avait dit que la partie ouest de la Corée était peu touristique, la grande majorité des touristes allant sur l’est.  Assez déçu, j’y ai passé une petite demi journée et j’étais moyennement motivé pour creuser la zone. Je n’étais même pas allé au village Jaman avec ses peintures murales tellement j’étais désappointé. Village qui était à moins de dix minutes à l’est pourtant. Il y avait beaucoup de monde, surtout des Coréens, très peu de touristes étrangers (même pas des Français ! – à part moi -). Beaucoup étaient habillés en hanbok, les vêtements traditionnels coréens. Dans une des rues principales, il y avait une boutique de location tous les dix mètres. Ce n’était pas vraiment difficile d’en trouver. De nombreux magasins vendaient également du magkeolli (hors contexte tour du monde et l’obligation de limiter le poids, j’en aurai probablement acheté.). Une autre rue était très passante : la Ginkgo Tree road où on pouvait y trouver un ginkgo vieux de 600 ans. Semi piétonne, elle était bordée de ginkgo plus jeunes dont certains étaient issus du vieux ginkgo. Une tradition raconte que si tu veux avoir un bébé, il faut aller à son pied et prendre 5 profondes inspirations.

 

J’avais essayé de trouver le musée de la calligraphie, au sud du village, près de la rivière Jeonjucheon. Maps.me m’indiquait à priori le bon emplacement mais impossible à trouver l’entrée… J’avais aussi visité un temple (ce n’était pas le Gyeonggijeon, je crois que c’était Jeonju Hyaanggyo, une école confucéenne mais je n’en suis pas sûr) avec un parc assez joli. Il y avait un genre de marathon de mariage à ce moment là : des couples faisant la queue devant une espèce d’autel où un représentant religieux (je ne sais pas comment ils se nomment) les mariait. En début d’après midi, il y avait eu un spectacle assez insolite : une fanfare de 30 à 40 musiciens en costume qui ont défilé dans la rue principale jusqu’à l’entrée du Gyeonggijeon. Ils s’y sont arrêtés tandis qu’un jongleur faisait plusieurs numéros avec des lancers d’assiettes. Puis ils sont repartis en sens inverse. Il y avait aussi un genre de bouffon du roi : habillé et maquillé en femme, il faisait un peu sa vie au milieu des musiciens. J’ai fait un tour aussi sur la colline Omokdae, petit promontoire qui  donnait une vue surplombant les hanoks. Toute petite avec un pavillon à son sommet, elle ne présentait pas un très gros intérêt pour moi.

 

La porte Pungnammun

C’était la seule porte restante des 4 originales construite avant la dynastie Jeoson. Elle a été restaurée en 1978. Pas grand chose à dire dessus, elle était au milieu d’un rond point et ne se visitait pas.

 

Je m’étais aussi baladé en dehors du village, principalement dans le quartier Taepyeong où était mon auberge de jeunesse. J’avais trouvé une rue commerçante qui m’intéressait pour le coup. J’avais des cartes postales à envoyer et je cherchais des enveloppes. Impossible à trouver. J’allais dans des papeteries, je demandais aux vendeurs/vendeuses qui m’indiquaient gentiment d’autres magasins où je pourrais peut être en trouver mais rien à faire. J’ai fini par me rabattre sur des enveloppes format A4 que j’ai coupé en deux et scotché. Normalement, je n’avais pas prévu de te parler de cartes postales mais là, c’est l’exception. Dans les autres pays, je n’avais pas eu trop de difficultés. Je devais faire parfois plusieurs magasins mais j’arrivais par en trouver. En Corée, ce fut terrible : je ne trouvais rien. Même pas des basiques bien cliché avec marqué “I <3 Korea”. J’en avais enfin trouvé dans une boutique dans le village mais ce fut les seules. Avec tous les moyens de communications existants et les réseaux sociaux, j’imagine que les cartes postales n’étaient plus utilisées et donc que les boutiques ne les proposaient plus, faute de clients. Je trouvais ça un peu triste. Une carte postale est plus personnelle et plus vivante qu’un simple post sur Instagram ou Facebook. A l’époque de l’information immédiate et du tout numérique, on a perdu cette patience qui rend les choses plus plaisantes. Bref, ce n’est pas le propos. Je te parle de ces cartes postales car elles me vaudront une petite anecdote avec la poste locale plus tard… Il me fallait aussi de la colle forte, j’avais une attache au poignet de ma veste qui s’était cassée. Ce fut plus facile à trouver. De manière générale, mon matériel commençait à fatiguer : le câble usb pour mon téléphone n’était plus aussi stable qu’avant (ce qui causait quelques soucis dans les transferts de photos), ma sacoche commençait à avoir quelques trous à cause des frottements, mon casque était quasiment HS (j’en avais déjà parlé à Gyeonju) et mes habits commençaient aussi à montrer quelques signes d’usures. Quant à moi, je commençais aussi à accuser le coup. Moins de gniak et une lassitude de plus en plus présente.

 

Après une 2ème nuit, je suis reparti le lendemain matin, en bus, en direction de Mokpo, petite ville à l’extrême sud ouest de la Corée. La carte Rail + n’était pas acceptée et j’ai du payer en espèce.

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