Gimcheon

La ville en soi n’était pas beaucoup touristique avec rien de vraiment particulier. C’était une petite ville coréenne typique. D’après ce que j’avais pu voir en arrivant, elle servait surtout de point de départ pour de nombreuses randonnées dans les montagnes alentours. Il n’y avait pas de ligne ferroviaire direct Andong – Gimcheon. Il y avait un changement à faire à Daegu. C’était une gare relativement grande et très bien organisée, je ne pouvais pas trop me perdre. J’y avais croisé énormément de jeunes militaires avec leur sac (en fin de service militaire/ en permission ?). Après un trajet sans histoire, j’ai atteint Gimcheon en début d’après midi, peu après 14 h.

Pourquoi Gimcheon ?

Je vais être obligé de raconter une partie de ma vie et de te faire un topo sur les hangeuls. Je suis né en Corée du Sud dans les années 80 et j’ai été adopté quand j’avais 4 ans. Je passe sur les raisons, ce n’est pas vraiment utile pour la suite. Du coup, vu que j’avais prévu d’aller en Corée du Sud durant le tour du monde, je m’étais dit que ça pourrait être marrant de faire un petit tour dans ma ville natale, histoire de voir à quoi elle ressemble. Je vais préciser un point très important mais très difficile à comprendre. Quand j’étais beaucoup plus jeune, il arrivait très fréquemment que l’on me demande si j’avais envie de retourner dans mon pays ou dans ma ville natale, dans une espèce de retour aux sources, à la recherche de mes ancêtres ou de mes “vrais” parents. Systématiquement, je répondais la même chose : “mon pays, c’est la France et mes parents, je les vois tous les jours”.  De mon expérience, c’est quelque chose que peu de personnes sont capables d’assimiler. Pour beaucoup, les liens du sang sont plus importants que les liens affectifs. Pour ma part, les liens du sang, je m’en tape. C’est un peu la même chose avec ma terre/pays/ville natale : ça n’a aucune importance, je n’ai aucun lien. Ce qui compte pour moi, ce sont les endroits où j’ai vécu et où je vis. Le passé et les ancêtres, je les laisse tranquille. D’ailleurs une petite parenthèse dans la même logique : les traditions, je m’en tape aussi. C’est le passé et les sociétés évoluent. Donc faire les choses sans les changer parce que c’est traditionnel, très peu pour moi. Maintenir certaines choses car elles sont utiles, ok. Mais juste par ce qu’on a toujours fais comme ça, bof. Quand je vois que les juges en Angleterre portent toujours des perruques blanches comme au XVIIème siècle, je pleure. Donc je voulais aller dans ma ville natale uniquement par curiosité, en touriste. On m’avait aussi demandé quel effet ça m’avait fait d’être en Corée. Bah, ça m’avait fait le même effet qu’en Russie ou qu’en Chine : une autre culture, c’est parti pour découvrir le pays.

Il avait d’abord fallu que je retrouve le nom local de la ville. Sur mes papiers officiels, il était indiqué Kimchun-shi. Tu peux vérifier de ton côté, tu ne trouveras jamais une ville avec ce nom sur les cartes. “Shi”  “시” est un terme désignant une unité administrative correspondant peu ou prou à une commune en France. Donc mon point de départ pouvait être simplifié en “Kimchun”. Tout comme notre écriture qui est composée de différentes lettres qui, en s’associant, donnent des mots ; les hangeuls sont composés de quarante lettres (jamos) correspondant à des sons spécifiques. L’association de ces caractères forment des mots. En un sens, le coréen est beaucoup plus facile à apprendre que le chinois ou le japonais où il faut mémoriser des centaines voir des milliers d’idéogrammes différents pour bien les maîtriser. Pour le coréen, on apprend  les jamos et on y va. Au niveau historique, il a été créé au XVème siècle et interdit du début XVIème siècle jusqu’au XIXème siècle (le roi de l’époque, un poil susceptible, n’avait pas trop apprécié qu’on se moque de lui en utilisant cette écriture). Il est imposé ensuite par les Japonais peu avant leur occupation où il fut moins utilisé. Le hangeul fut utilisé massivement pour la 1ère fois après la 2nde Guerre Mondiale. Donc au niveau occidental, les nations ont du choisir une norme internationale très rapidement pour la transcription (romanisation) du hangeul en caractère latin (guerre de Corée toussa toussa…). Celle majoritairement utilisée (par l’ONU entre autres) était la romanisation de McCune-Reischauer (MR), datant de 1937. Mais elle comporte un certain nombre de variantes. La romanisation de Yale de 1942 a été très largement utilisé également, surtout par les linguistes. Il en existe d’autres mais tu vois l’idée : c’est le bordel. Dans les années 80s, la France utilisait sa propre version qui différait de MR. La Corée avait aussi sa version officielle qui a changé une 1ère fois en 1997 puis en 2000 avec un MR révisé qui est devenu plus ou moins la norme internationale aussi. Donc sur mes papiers d’adoption, j’avais des documents en coréen et leur transcription soit avec la romanisation française, soit avec la romanisation coréenne pré 1997…

Kimchun n’apparaissant sur aucune carte, même ancienne (merci la romanisation spéciale française),  j’ai dû inversement transcrire le mot en coréen actuel. Évidemment, avec la MR révisée, le résultat ne donnait pas grand chose mais en comparant avec la MR d’origine ainsi qu’avec celle de l’ONU, j’avais pu obtenir une base à partir de laquelle je pouvais tester les différentes romanisation pour retrouver le “Kimchun” des années 80s. Avec les jamos, j’avais pu identifier la principale “erreur” : le K de kimchun. Avec la nouvelle norme, le K était remplacé par un G, ce qui donnait Gimchun. (soit dit en passant, le son n’est ni G ni K – non, je ne vais pas écrire en phonétique – mais un mixte entre les deux). En retranscrivant, j’avais obtenu  김친 qui donnait à son tour “Gimcheon” en MR révisée. Or, cette ville existait bien. Ma mère avait une connaissance qui connaissait le coréen, elle lui avais donc demandé de son côté la correspondance pour “Kimchun – shi” mais elle n’avait rien trouvé (sa connaissance, par ma mère). De mon côté, j’avais un ami  qui avait une amie qui étudiait le coréen depuis un paquet d’années. Je lui avait donc envoyé mon résultat avec Gimcheon afin qu’elle le vérifie. Elle avait confirmé assez rapidement . Mais il y avait encore un doute. Dans mes papiers, j’avais également retrouvé une adresse de résidence en coréen avant le placement en orphelinat. La rue existait bien à Gimcheon. C’était bon, le doute n’était plus possible. Mais j’avais passé un paquet d’heures pour ça. J’avais presque commencé à apprendre les jomas… A titre d’information, pour la prononciation : tu fais un mélange entre Kimchun et Gimcheon en mangeant bien le “eo” et c’est tout bon.

J’étais donc arrivé en début d’après midi et j’avais du temps avant de rejoindre mon hôtel. Pas très touristique, je n’avais rien trouvé sur Agoda ni Booking au niveau des auberges et seulement quelques hôtels donc je n’avais pas vraiment eu le choix et j’avais pris une chambre simple. A 40 000 W (>30,50 €) la nuit tout de même, j’explosais légèrement mon budget “logement”. Sur place, j’ai vu qu’il y avait beaucoup plus d’hôtels qu’attendu mais ils n’étaient probablement pas affiliés à ces réseaux. Bref, je suis allé à l’ancienne adresse de ma maison “natale”. C’était dans un quartier de petites rues au sud est de Gimcheon, à flanc de colline. J’ai pu trouver sans difficulté. Par contre, si je voulais voir quelque chose, c’était râpé : le petit bâtiment était vide, soit en travaux de rénovations complète, soit en phase de démolition…

ma maison “natale” en travaux (démolition ?)

 

J’ai rigolé et j’ai fait un tour du quartier. Un peu plus en hauteur, il y avait un mini parc (Namsan Park, comme à  Séoul) avec un genre de temple qui donnait une vue assez dégagée sur la ville. En me promenant un peu plus loin, j’étais tombé sur une école primaire ou maternelle mais je ne m’y suis pas trop attardé. Un adulte avec un appareil photo à côté d’une école, il aurait pu avoir quelques méprises…J’ai rejoint peu après la rue principale où il y avait pas mal de magasins, mine de rien, et quelques restaurants. Après une petite pause d’environs 2 h  à l’hôtel, je suis retourné faire à tour en ville, mais en allant au nord puis l’est. La ville était traversée par une rivière au nord (je n’ai pas trouvé le nom) et par la rivière Gamcheon à l’est. Il y avait une curiosité que j’ai retrouvé à d’autres endroits : les piliers arrondis des ponts étaient décorés par des fresques. Dans l’ensemble, la ville n’était pas foncièrement moche ni belle. Elle était une petite ville typique coréenne. La seule chose un peu “touristique” que j’avais noté dans mes recherches était le temple Jikisa avec une maison de thé en son sein. Mais je ne l’ai pas trouvé dans mon périple… En revenant sur la rue principale, j’avais trouvé un petit restaurant tenu par deux vieilles qui ne parlaient pas anglais. Les menus étaient en coréen et j’avais une petite fiche avec le nom des plats où je devais cocher une case avec un chiffre pour commander. Avec la fonction “traduction vidéo” de Google trad, j’arrivais difficilement à traduire les plats. Un jeune couple était assis à côté de ma table. Ils me voyaient galérer et ils ont eu un élan de pitié pour le pauvre touriste que j’étais. Le garçon est venu me rejoindre. Il parlait anglais et il m’a patiemment expliqué tous les plats à l’aide de photos qui avaient aussi dans le restaurant. Il m’a aidé également à écrire ma commande. C’était super gentil de sa part.

 

Mon hôtel était excentré, à l’ouest de la ville. Il était à proximité d’un immeuble d’arcades et du quartier “chaud” de Gimcheon avec discothèques et boîtes de strip tease. J’avais réservé une chambre simple mais je me suis retrouvé dans une chambre double avec une salle de bain relativement grande avec une baignoire énorme. Bon, bah j’en avais profité pour prendre un bain… Il y avait une télévision, un PC, une table avec deux fauteuils, une bouilloire, des nécessaires de toilettes comme des peignes ou des parfums, des tasses et des cendriers (c’était la 1ère fois que je ne sortais pas pour fumer). J’oublie évidemment le sèche cheveux obligatoire. J’avais également reçu une trousse de toilette à l’accueil. Avec des produits beaucoup plus adaptés pour un couple que pour un voyageur solo : deux brosses à dents, un rasoir, des crèmes (dont une de massages) et 4 préservatifs. J’ai profité de ma fin de soirée pour zapper un peu la TV, histoire de voir un peu les types de programmes coréens. Rien de vraiment original. Il y avait également une filmothèque, des VOD et des catégories “jeunesse” et “éducation” de disponibles mais je n’ai pas essayé.

 

Après une nuit sans histoire, j’ai rejoint la gare de Gimcheon vers 9h30 pour prendre mon train de 10h16 en direction de Gyeongju, au sud est.

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